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Journée Justice Morte – jeudi 5 décembre 2019

Journée Justice Morte – jeudi 5 décembre 2019

Agathe MONCHAUX-FIORAMONTI - ACTUALITÉS

En septembre dernier, je vous informais déjà des raisons pour lesquelles je me mettais en grève pour lutter contre la réforme des retraites annoncée.
 
De nouveau, je serais gréviste le 5 décembre, pour les mêmes raisons sauf que ma colère n’a fait que croître et ce pour deux raisons.
 
Depuis, en effet, tant notre Président de la République que le Ministre de l’Economie et des Finances ont très fortement sous-entendu que la profession d’Avocat était voué à disparaître…
 
Nous serions « les agriculteurs de demain, les mineurs d’après-demain » destinés à s’effacer face aux Legaltech et autres intelligences artificielles.
 
Outre le mépris total pour une profession, ce discours est dangereux pour la démocratie.
 
Nous, Avocats, sommes auxiliaires de justice et garant de ce que vous, justiciables, voyez vos droits respectés par tous, et notamment l’Etat, et votre affaire traitée équitablement devant toute juridiction.
 
Une démocratie implique une justice indépendante, une justice indépendante implique une profession d’Avocat indépendante, forte et accessible à tous, tant financièrement que géographiquement.
 
Souhaiter, envisager, penser la disparition de la profession d’Avocat c’est souhaiter, envisager, penser la disparition de ce qui contribue, pour partie, à un Etat de droit, une justice indépendante.
 
C’est la première raison de l’augmentation de ma colère.
 
La seconde, c’est que le postulat de départ du projet de réforme des retraites me semble erroné.
 
Vouloir mettre tous les travailleurs sur le même plan pour le calcul de leur retraite, c’est omettre les spécificités de chaque profession.
 
Il faudrait supprimer les 42 régimes « dérogatoires » (spéciaux, autonomes etc.) sans s’interroger sur la genèse de la création de ces régimes, leurs raisons d’être.
 
Un travailleur indépendant qui supporte seul toutes les cotisations sociales ne peut être traité de la même manière qu’un salarié dont une partie des charges sociales est payée par l’employeur.
 
Les infirmiers, aides-soignants, policiers, militaires et autres professions physiques ne peuvent être mis sur le même plan qu’un métier de bureau, tant la fatigue physique ne sera pas la même à plus de 60 ans…
 
L’égalitarisme à tout prix me parait dangereux et source d’inéquité évidente.
 
Pour ces raisons et celles exposées en septembre, que je reproduis ci-dessous, je fais grève ce jeudi 5 décembre 2019.
 
Il ne sera donc pas répondu aux courriels et courriers.
L’accueil téléphonique sera, lui, assuré.
 
Dès vendredi, je serais de nouveau présente, en audience et au cabinet, afin de toujours défendre au mieux vos dossiers et vos intérêts.

Pour mémoire : mon article du 16/09/2019
Grève des Avocats – lundi 16 septembre 2019
Pourquoi je fais grève ce lundi 16 septembre
 
Ce ne sera pas le premier mouvement de protestation et de grève auquel je participe depuis que j’ai prêté serment et que j’exerce cette profession.
 
Pour la première fois pourtant, je ressens le besoin d’expliquer pourquoi je participe à ce mouvement, probablement parce que pour la première fois il s’agit plus d’un combat personnel à la profession que d’un combat pour le justiciable comme nous avons pu le faire lors des dernières réformes de la justice ou de l’aide juridictionnelle.
 
Un projet de réforme des retraites est actuellement en cours de discussion et le Premier Ministre a annoncé qu’il serait, normalement, voté l’été prochain.
 
Le Gouvernement affiche comme objectif, louable, plus de solidarité.
 
Le projet, tel qu’il est envisagé pour le moment, annonce pourtant, si ce n’est la mort, en tout cas la paupérisation de nombre de professions indépendantes ou, pour compenser, l’augmentation certaine de nos honoraires.
 
Pourtant la profession d’Avocat dispose, depuis près de 70 ans, d’un système bénéficiaire, qui fonctionne et qui est solidaire tant pour l’ensemble de la profession qu’avec le régime général et donc l’ensemble de la population.
 
Il est important de préciser que notre système est autonome et autogéré par la profession. L’Etat ne participe pas à ce régime, le contribuable non plus, hormis par l’intermédiaire du droit de plaidoirie de 13 € lorsqu’il devient client.
 
Ce régime est prévu pour ne pas être déficitaire avant 2050, grâce notamment aux réserves accumulées et correctement gérées. Régulièrement, des mesures sont prises pour repousser au maximum cette date de déficit.
 
Enfin, ce régime est solidaire du régime de base puisque depuis 1990 il participe à la grande compensation et nous reversons près de 80 millions d’euros au régime général.
 
Cela représente 1 300 € par avocat et par an, environ 1/3 de nos cotisations.
 
J’exposerai simplement ici, pour expliquer ma participation au mouvement du 16 septembre, les grandes lignes de notre régime « de base » et donc pourquoi ce qui nous est proposé et ne nous convient pas.
 
Je renverrai pour le reste, aux publications du CNB et au site de la CNBF, notre caisse de retraite.
 
Notre régime de retraite est composé de deux parties : une retraite de base qui est directement impactée par le projet de réforme, et une retraite complémentaire dont il sera peu question ici.
 
Notre retraite de base est la seule à être forfaitaire et non fondée sur nos revenus tout au long de notre exercice professionnel. Tout avocat, quel qu’ait été son exercice, percevra 16 831,00 euros brut (chiffre 2018) par an environ, à la retraite.
 
L’âge minimal de départ à la retraite d’un Avocat est 62 ans, l’âge permettant de percevoir une retraite à temps plein est de 65 ans. Beaucoup d’Avocats partent à la retraite après 65 ans.
 
Ce régime de base est financé par trois cotisations :
Une cotisation forfaitaire à tous les avocats de 1 555,00 € (les jeunes avocats paient moins les 5 premières années pour aider leur entrée dans la vie professionnelle) ;
Une cotisation proportionnelle de 3,1% de notre revenu net avant impôt (c’est-à-dire après déduction de nos charges sociales, URSSAFF, RSI etc…) ;
Un droit de plaidoirie versé par le client pour tous dossiers plaidés à hauteur de 13 €. 
S’ajoute à cela une retraite complémentaire, appelée selon des cotisations proportionnelles réparties en 4 tranches et qui permet donc d’augmenter la retraite de base proportionnellement à notre revenu d’activité.
 
Peu ou prou, nous cotisons donc à hauteur de 14% pour nos retraites.
 
Qu’est-il prévu demain ?
 
Nous participerons au régime universel :
Nos cotisations seront doublées a minima puisqu’elles seront de 28 %,
Notre retraite sera diminuée pour la grande majorité d’entre nous puisque proportionnelle à nos cotisations et calculée selon un point de retraite de 0,55 € quand notre point de retraite complémentaire est aujourd’hui à 0,9404€ (chiffre 2018). 
Pourquoi notre opposition :
Nos cotisations vont doubler voir tripler pour certains : les petites structures ne pourront pas perdurer et y faire face sauf à augmenter les honoraires ce que nos clients vont être les premiers à subir !
Notre régime est solidaire : quelles que soient nos difficultés et nos aléas de vie et de carrière (enfants, maladie, accident etc.), tous les Avocats perçoivent la même retraite de base ! Demain ce ne sera plus le cas. 
Notre système actuel fonctionne, ne coûte rien à l’Etat et au contribuable et est solidaire de ceux d’entre nous qui sont le plus en difficultés.
 
Le Système de demain nous coûtera, entrainera la fermeture de nombre de structure et laissera certains confrères en grande difficultés à l’heure de raccrocher la robe.
 
In fine, c’est nos clients et le justiciable qui pâtiront nécessairement de nos difficultés d’exercice.
 
Pour toutes ces raisons, je fais grève ce lundi 16 septembre 2019.
 
Il ne sera donc pas répondu aux courriels et courriers.
L’accueil téléphonique sera, lui, assuré.
 
Dès mardi, je serais de nouveau présente, en audience et au cabinet, afin de toujours défendre au mieux vos dossiers et vos intérêts.
 
 
 
Sources : Site www.cnbf.fr; Code de la Sécurité Sociale (articles article L 723-3; article L 723-5; article L 723-6; article R 723-18 notamment) et https://www.cnb.avocat.fr/fr